Demain c’est la Fête des Pères

L’année dernière je n’ai pas souhaité bonne fête à mon père.
Ni l’année d’avant. Je lui ai envoyé un petit mail pour son
anniversaire en octobre, mais je ne sais pas s’il l’a reçu,
j’ai eu une réponse courte et impersonnelle.

J’ai des regrets.

C’est lui qui m’a offert mon premier vélo, mon premier
ordinateur, ma première chance de quitter un boulot de
salarié. Il m’a guidé et m’a appris des choses, tant de
choses.

Chaque fois que je le voyais c’était une fête, même si je ne
le disais pas. Petit, je me souviens d’avoir passé des
heures devant le vieux téléphone à cadran de la maison, à
attendre qu’il m’appelle et vienne me chercher, qu’on parte
tous les deux, qu’on prenne le chemin des écoliers à travers
le Parc de Saint Cloud au lieu de trainer dans les
embouteillages. Qu’on aille faire une promenade dans la
forêt près de La Ferrière sur Risle, à chercher des
champignons. Que je l’écoute mener ses affaires avec ses
collaborateurs des Editions Godefroy.

Quand j’ai été plus âgé, il est parti vivre hors de France,
et on s’est moins vu. Mais c’était toujours une fête pour
moi de le voir, quand je le retrouvais en Suisse, dans son
chalet, ou au Portugal dans la maison au bord du lac. Et
quand il passait par Paris où j’habitais, j’attendais qu’il
me fasse un petit signe pour qu’on se voie. Et à chaque fois
qu’il passait je me libérais pour le voir.

Il a vu mes fils, et il les a un peu connus, comme moi j’ai
un peu connu mon grand père Alexandre. Mon second fils Oscar
s’appelle Oscar Christian Godefroy.

J’ai vécu avec lui plus longtemps que ma femme n’a vécu avec
son père, qui est mort quand elle avait vingt ans.

Les hommes sont fragiles.

Sous des aspects durs parfois, solides souvent, ils ne sont
pas si différents des femmes. Ils meurent juste plus tôt.

Fêtez vos pères, tant qu’il est temps.