Comment cultiver l’attention durant la lecture

Il y a à la fois trop et trop peu de lecture.

Les grands journaux modernes nuisent aux esprits des gens de la métropole, car un grand nombre lit machinalement et par paresse.

Le journalisme doit donc souvent être sensationnel dans le sens péjoratif du terme.

Même les magazines sont remplis d’articles brassant de l’air, et l’abondance proposée rend la lecture véritable difficile.

Lire, dans son sens pur, est un processus délibéré par lequel la pensée écrite est transférée à l’esprit, puis stockée et assimilée.

Tout ceci implique le pouvoir de la motivation.

Mais ce pouvoir est une possession rare à une époque ou les distractions abondent.

Par conséquent la lecture vraie est presque un art oublié.

Comment cet art oublié doit-il être regagné ?

Par le développement de cette raison forgée, par le cadeau magique qu’est l’attention.

« Lisez non pas pour contredire ou ne pas croire, mais pour peser et considérer » a dit Sir Bacon.

« Peser et considérer », c’est le sésame de la bonne lecture.


 

Pour en avoir le cœur net, lisez attentivement les 25 premières pages du livre.

⁃ Dans ces pages, voyez-vous quelque chose de nouveau, quelque chose d’intéressant, quelque chose de valeur ?

⁃ Si ce n’est pas le cas durant ces 25 pages, vous êtes probablement prêt à solder ce livre au premier acheteur venu.

La règle, cependant, n’est pas infaillible.

On peut faire l’analogie entre la lecture et l’extraction de l’or : les veines les plus riches ne sont pas aisément découvertes.

Certains travaux de George Eliot exigent des efforts surhumains afin d’être compris, mais une fois dedans, nul ne peut échapper à leur charme !

Les livres culte ne peuvent pas être rigidement soumis à ces règles.

Cela dépend, aussi, de l’esprit du lecteur. Il y a toujours une partie du jugement qui est subjectif et qui se rapport aux goûts de chacun.

Si 25 pages d’un livre ne captivent pas un bon esprit, soit l’auteur a effectué un travail phénoménalement fin, soit l’ouvrage n’est tout simplement pas intéressant.

Supposez, maintenant, que vous soyez décidé à poursuivre la lecture du volume.

  • Retournez à la première phrase, et lisez-la à l’excès.
  • Quel est son sujet, son attribut, son objet ?
  • Quelle est la signification de chaque mot ?
  • S’il s’agit d’une pensée abstraite, reformulez-la dans votre propre langage.
  • Pensez-la, résolument et clairement.
  • Si c’est une pensée concrète, fermez les yeux et appelez une image mentale de l’objet.

⁃ Si le mot exprime l’action, demandez-vous de quelle action il s’agit.

⁃ Pensez à l’acte afin d’en obtenir un film mental, si possible.

  • Traitez la première idée selon les indications ci-dessus.
  • Procédez de la même manière avec toutes les idées présentes dans la phrase, et ainsi de suite jusqu’à ce que vous ayez lu la phrase en entier.

⁃ Lisez alors la phrase encore, remontez les pensées, et faites défiler dans votre esprit une vue complète du rapport entier que vous venez d’établir.

⁃ Traduisez toujours les pensées de l’auteur dans votre propre langage.

  • Ne mémorisez pas, mais pensez !
  • Procédez de cette façon avec le premier paragraphe.
  • Reformulez avec vos propres mots les chaînes d’idées énoncées jusqu’à présent.

⁃ Le lendemain, écrivez de nouveau votre version, sans relecture, issue de la substance de ce premier paragraphe.

⁃ Continuez une telle lecture attentive et analytique jusqu’à ce que vous ayez maîtrisé le premier chapitre.

⁃ Mettez maintenant de côté toutes les écrits faits jusqu’ici, et écrivez un rapport de mémoire de la substance de ce chapitre.

⁃ Continuez ainsi avec les chapitres, paragraphes et phrases suivants.

Si vous respectez ces instructions, peu de livres exigeront une seconde lecture.

Il est préférable de lire un seul livre en profondeur qu’une douzaine de la façon habituelle.

Prenez la résolution de manière permanente de lire avec cette méthode.

De tels exercices s’avéreront d’immense valeur, parce qu’ils sont basés sur certaines lois de l’esprit.

L’œil acquiert la facilité à travers la lecture, et le lecteur est susceptible de se contenter d’images générales mais vagues présentées par certaines idées.

Pour que la pensée contenue dans la page imprimée puisse être vraiment obtenue, il est nécessaire de fractionner son contenu et de l’étudier morceau par morceau, afin d’en comprendre la totalité.

Ceci exige l’attention du détail, qui exige à son tour une compréhension distincte de la signification des mots.

Nous pouvons absorber la pensée générale d’une phrase sans connaître clairement la signification exacte de chaque mot, mais ce faisant nous risquons, peut-être, de passer à côté de la partie la plus intéressante de notre lecture.

« Supposons que je regarde par la fenêtre, dit Mill dans « Éléments de Psychologie », et que je vois un cheval noir galoper à vive allure.
L’image entière, comme présentée par la vision, se constitue d’une seule image.
Elle reste unique jusqu’à ce que j’aie l’occasion de la décrire avec des mots.
Au moment où j’essaye de le faire, un processus analytique ou un processus de démontage des pièces est nécessaire.
Je dois appeler l’animal « cheval », sa couleur « noire », son action « galopant», sa vitesse « à vive allure », et je dois indiquer si c’est un cheval noir défini ou indéfini qui galope, et ainsi choisir d’employer un article, « le » ou «un».
En bref, je dis qu’«un cheval noir galope à vive allure, » une phrase dans laquelle mon unique image visuelle est divisée en 5 idées, chacune exprimée par un ou des mots séparés ».

Le proverbe « personne ne sait une chose jusqu’à ce qu’il puisse la dire » prend ici tout son sens.     

Le fait de traduire la pensée d’un auteur dans son propre langage est également très important.

Par conséquent, dans la vraie lecture il est toujours nécessaire de se fixer des images mentales, ou des conceptions mentales propres, qui attesteront de la compréhension de ce qui vient d’être lu, et qui aideront à l’assimilation des contenus.

  • Lorsque vous lisez un livre digne d’intérêt, prenez note des passages importants ou intéressants.
  • Au fur et à mesure, créer votre propre index sur une des pages vierges du livre.
  • Peu importe si le livre comporte déjà un index, faites le vôtre, il vous sera bien plus utile.
  • Analysez les chapitres, au fur et à mesure, notez et numérotez les idées principales.
  • À l’issue du chapitre, passez en revue ces points et assimilez-les.
  • Tandis que quelqu’un vous lit un texte à haute voix, représentez-vous des images mentales des idées présentées par l’auteur, en tentant de les mémoriser durant la lecture d’un certain nombre de pages.
  • Stoppez le lecteur et énoncez ces idées et images mentales les unes après les autres, pendant qu’il corrige vos erreurs.

Continuez cet exercice indéfiniment. 

  • Répétez l’exercice ci-dessus dans le cadre d’une conversation, en veillant à ce que vous et votre interlocuteur vous compreniez complètement.
  • Le jour suivant, examinez ce travail ensemble, de mémoire.

Pratiquez ces exercices indéfiniment.

  • Si le nom d’un auteur n’est pas une garantie suffisante de la valeur de ses écrits, ou si son livre est écrit avec un manque évident d’objectivité, et qu’il prêche clairement pour sa paroisse, soyez critique dans votre lecture.
  • Examinez les faits, vérifiez-les.
  • Déterminez si les références sont correctes et correctement interprétées.
  • Détectez les failles de son argumentaire.
  • Lisez-le de son point de vue et du vôtre.
  • Assurez-vous que votre point de vue est bon.
  • Soyez par conséquent ouvert à ses convictions.
  • Soyez juste : ne cherchez pas automatiquement à contredire, ni à tout accepter.
  • Ce que vous niez peut être vrai demain, ce que vous acceptez aujourd’hui est peut être faux.
  • Lisez résolument pour emmagasiner des faits, des réalités, un raisonnement sain, des sentiments, de la vie, et de la puissance.

Extrait de Le pouvoir de la volonté de Frank Channing Haddock